mercredi 23 février 2011

Exposition Ex cathedra ( peintures, photos, gravures, installations) 2009

Ex Cathedra
ou Comment représenter la cathédrale aujourd'hui ?
Pour moi, la cathédrale, avant d'être un sujet religieux, est surtout et avant tout un grand sujet de peinture et d'art de manière générale. Nombreux sont les artistes - peintres, sculpteurs, graveurs, photographes, etc., - qui se sont intéressés à la cathédrale et qui ont travaillé avec la cathédrale. En peinture, je pense en particulier à la cathédrale de Rouen de Monet et à la cathédrale de Chartres de Soutine. J'ai voulu moi aussi me confronter au sujet de la cathédrale, et par la même occasion aux artistes qui l'avaient traitée. J'ai voulu à la fois me situer dans leur continuité mais aussi apporter un regard personnel plus actuel. Parce que j'habite Evreux, que la cathédrale de cette ville m'est familière et qu'elle fait partie de mon quotidien, le choix de celle-ci s'est imposé à moi. Je me suis alors demandé comment, aujourd'hui, je pouvais représenter la cathédrale d'Evreux.

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La réponse à mon interrogation est venue le jour où j'ai parcouru le mémoire de recherche sur les graffitis anciens, intitulé Prières des murs, édité par le Gemob, (Groupe d 'Etudes des Monuments de l'Oise et du Beauvaisis). Dans ce recueil, je suis « tombé » sur la représentation du XVIIIe siècle d'une cathédrale, gravée dans la pierre de l'église de Paillart dans l'Oise. Comme je m'étais intéressé aux graffiti actuels - les graffs – au début des années 90 ( en 1991, j'avais réalisé pour l'illustration de la couverture d'un livret étudiant, un autoportrait, me représentant de dos en train de « tagger » un mur !), cette représentation a trouvé un écho en moi et j'ai décidé de représenter la cathédrale sous forme d'un graff !
J'ai créé deux représentations sur toile de la cathédrale, une version avec une forme plutôt « gothique », qui correspond bien à l'architecture du monument, réalisée au pochoir et à la bombe aérosol, aux couleurs « chrome » et noir largement utilisées par les graffeurs, et une version plus « calligraphique » où j' « écris » le mot « cathédrale » avec les éléments de l'édifice eux-même, pris comme des lettres que je travaille comme le font les graffeurs de manière stylisée.
Cette manière de peindre la cathédrale bouscule les représentations habituelles : à la fois, je « traite » la cathédrale, monument du patrimoine du centre ville, sous la forme de graffiti avec un mode d'expression émanant principalement de la culture dite « de banlieue » et en même temps, je prends pour sujet de graff un bâtiment, qui plus est, « officiel » et religieux !
Loin de les opposer, j'ai voulu au contraire concilier les deux cultures.
Quand l'exposition fait oeuvre
Courant 2008, l'Office de Tourisme a accepté de présenter ma recherche picturale où j'abordais la cathédrale de façon originale et inédite. J'ai réfléchi à la manière d'exposer mon travail. Je suis parti du constat suivant : monument emblématique de l'agglomération, située au cœur du centre ville, la cathédrale Notre-Dame d'Evreux est partout : dans les brochures touristiques, en arrière-plan de nombreuses photographies de groupes, c'est elle aussi qui accueille les voyageurs en gare d'Evreux, qui signale aux automobilistes sur des panneaux routiers les différentes entrées de la ville. Sa silhouette est familière à tout ébroïcien et sa présence s'impose visuellement.
Pour rendre compte de cette quasi omniprésence, j'ai tout d'abord disposé à l'entrée même de l'Office de Tourisme - symbolisant le Grand Evreux - les représentations « officielles » de la cathédrale que l'on voit dans le hall de la gare et sur les panneaux de signalisation d'entrée d'agglomération. Puis, j'ai transformé l'espace d'exposition de l'Office de Tourisme en une “cathédrale hors les murs” que j'investis avec certains des objets symboliques du culte.
Revenant à l'origine même du mot “cathédrale”, lieu où est situé le siège de l'évêque – cathedra en latin, j'ai d'abord créé la cathèdre. L'installation en parpaings et en treillis métalliques évoque la construction et les reconstructions successives de l'édifice au cours de l'histoire. En même temps, le siège, aux formes rectilignes et rigides, monté sur une « estrade » de palettes en bois brut, avec à ses côtés les attributs épiscopaux – la crosse en fer à béton et la mitre en sac de plâtre, indique l'autorité qui s'exerce ex cathedra. Le dispositif d'éclairage rappelle que la lumière est le fondement même de l'architecture des cathédrales gothiques.
Puis, toujours pour révéler lumière, je me suis approprié le grand candélabre qui porte le cierge pascal de la cathédrale Notre-Dame d'Evreux. Je l'ai dessiné de manière à ce que la forme « dise» la fonction de l'objet, d'où la représentation, avec les lettres Alpha (α) et Oméga (Ω), d'une femme portant le cierge dont le corps forme le nom « Evreux ».
Enfin, j'ai également recouvert d'un badigeon à base de blanc de Meudon les baies vitrées de l'Office de Tourisme afin d'évoquer les « grisailles » des verrières de la cathédrale : mais contrairement aux ouvriers qui utilisent ce procédé pour masquer les chantiers aux regards, la lumière entre à travers le tracé de la rose que j'ai reproduit.
Pour souligner davantage l'omniprésence de la cathédrale et le lien qui unit cette dernière à la ville, j'ai disséminé à travers la ville, comme des tags virtuels, les graffs que j'avais réalisés de la cathédrale. Les sites que j'ai choisi sont des lieux de passage qui me sont familiers. Je les propose au regard des visiteurs sous la forme de photographies, qui me sont apparues comme le média le plus adéquat pour créer l'illusion et susciter un questionnement sur la réalité du sujet. La mise en espace de l'exposition rappelle le chemin de croix ( via crucis) dont les stations, qui ponctuent la progression du croyant autour du choeur, invitent le passant à s'arrêter devant chaque oeuvre, en prenant le temps de se souvenir de la ville.
Enfin, pour marquer encore davantage la présence de la cathédrale, je l'ai gravée. La gravure, par ses éthymologies possibles, de l'allemand graben - creuser- et du grec graphein- écrire - m'a permis d'une part, d'exprimer l'idée de la souffrance et de la mort liée au chemin de croix et de combler un manque : l'absence d'un timbre consacré à la cathédrale d'Evreux, et d'autre part, de créer un pont entre tradition et contemporanéité, et de tisser un lien entre les graffiti anciens présents sur les murs des églises et les graffs d'aujourd'hui autour de la représentation commune de la cathédrale.
Karl-Sébastien Bigot
Remerciements
Je tenais à faire participer différents « corps de métiers » à cette exposition, à l'image de la construction de la cathédrale, oeuvre collective par excellence. Pour la cathédrale Notre-Dame d'Evreux, j'ai choisi en priorité des partenaires ébroiciens. Ceux-ci ont accepté le projet avec enthousiasme, qu'ils en soient encore vivement remerciés : l'Agglomération et l'Office de Tourisme du Grand Evreux, le Crédit Agricole Normandie-Seine pour l'impression des affiches et des invitations, Point P pour la fourniture des matériaux de construction nécessaires à la réalisation de la Cathèdre, la SNE Wattelet à Evreux pour la fabrication du candélabre en fer forgé, Minibook studio photo pour le tirage des épreuves numériques et l'association ébroicienne De Pictura pour la promotion de l'art contemporain. Je remercie également la Maison des Arts d'Evreux pour l'utilisation de la presse qui m'a permis d'imprimer des estampes.
English version below :
Ex Cathedra
or How to represent the Cathedral today?
For me, the cathedral, before being a religious subject, is first and foremost a great painting subject and art subject in general. Many artists - painters, sculptors, printmakers, photographers, etc.., - were interested by cathedral and worked with cathedral . In painting, I think especially of the cathedral of Rouen by Monet or the cathedral of Chartres by Soutine. I also wanted to confront me with the cathedral, and with artists who had treated this topic. I wanted to situate myself both in their continuity but also provide a personal and more current regard. Because I live in Evreux, as the cathedral of this city is familiar to me and it is part of my daily life, the choice of it has been imposed on me. I then asked how, today, I could represent the cathedral of Evreux.
The answer to my question came the day I toured the research paper on ancient graffiti called “Prayers on walls”, edited by Gemob (Groupe d'Etudes des Monuments et des oeuvres d'art de l'Oise and Beauvaisis). In this collection, I stumbled upon the eighteenth century representation of a cathedral carved into the stone of the church of Paillart (Oise). As I had been interested in graffiti today - the graffs - in the early 90s (in 1991, I realized for the cover illustration of a student booklet, a self-portrait representing me “tagging "a wall), this representation has resonated in me and I decided to represent the cathedral as a graff!

I created two painting on canvas of the cathedral, a version with a rather
"Gothic" shape, which matches the architecture of the monument, made with aerosol spray and stencil, with "chrome" and black colors widely used by graffiti-artists, and a more "calligraphic" version where I "write" the word "cathedral" with elements of the building themselves, taken as the letters that I work as a stylized way.

This way of painting the cathedral upsets the usual representations : both, I "deal" with the cathedral heritage monuments of the city center, in a graffiti's way, a mode of expression mainly from the suburban culture called “street art” and at the same time, I choose for graffs topic a building that is more "official" and religious!
Far from opposing both “urban territories”, I wanted to reconcile the two cultures.
When the exhibition makes itself a piece of art
During 2008, the Office of Tourism has agreed to present my original research. I thought about how to expose my work. I came to the following observation: iconic landmark of the town, situated in the heart of downtown, the cathedral Notre-Dame d'Evreux is everywhere: in the tourist brochures, in the background of many photographs of groups is also welcoming travelers into the train station in Evreux, which alerts drivers of road signs on the various entrances to the city. Its silhouette is familiar to all ébroïcien and his presence stand out visually.

To take into account this ubiquitous, I first placed at the entrance of the Office of Tourism - symbolizing the Great Evreux - the 'official' representations of the cathedral that we see in the hall train
station and the signs of entry of agglomeration. Then I turned the exhibition space of the Tourist Office in a "out-of-the-walls cathedral" that I invest with some symbolic objects of worship.
Returning to the origin of the word "cathedral", where is located the seat of the bishop - in Latin cathedra, I first created the cathedra. Installing cement blocks and metal mesh refers to the construction and subsequent reconstruction of the building during the history. At the same time, the seat, straight and rigid forms, mounted on a "platform" of raw wood pallets with his side attributes Episcopalians - the butt of iron and concrete bolster bag of plaster, indicating the authority exercised ex cathedra. The lighting device recalls that light is the very foundation of the architecture of Gothic cathedrals.
Then, I appropriated the large candelabra bringing the Paschal candle from Notre-Dame d'Evreux. I've drawn so that the form "say" function of the object, where the representation with the letters Alpha (α) and Omega (Ω), a woman wearing a candle whose body form the name "Evreux ».Finally, I also covered with a whitewash made from whiting the windows of the Tourist Office to discuss the "greyness" of the windows of the cathedral, but unlike the workers who use this method to hide yards to the eye, light enters through the route of the Rose that I paint.
To further emphasize the omnipresence of the cathedral and the bond that unites it to the city, I spread across the city, such as virtual tags, the graffiti that I made the cathedral. The sites I chose are places of passage that are familiar to me. I suggested to the visitors in the form of photographs, which appeared to me as the most appropriate media to create illusion and generate questions about the reality of the subject. The layout of the exhibition recalls the Via Crucis (Way of the Cross) with stations that punctuate the progress of believers around the chorus, inviting the passerby to stop in front of each work, taking time to remember the city.Finally, to further underline the presence of the cathedral, I engraved it. The engraving, by its possible etymology, from German graben - dig-and-write from Greek graphein - gave me a hand to express the idea of suffering and death related Crucis and fill a gap: the absence of a stamp dedicated to the Cathedral of Evreux, and secondly, to create a bridge between tradition and contemporaneity, and to forge a link between these ancient graffiti on the walls of churches and graffiti today around the joint representation of the cathedral.

Karl Sebastien BIGOT, painter, French.
Born January 30, 1970, in Saigon. Childhood in Vietnam and in Egypt, Cairo, from 1975 to 1981. Educated in France. Since 2003, lives and works in Normandy, in Evreux.
Contact : ks.bigot @ free.fr
Mots clés : ex cathedra, cathedre, cathedrale, Evreux, candelabre, cierge pascal, T shirt, tag, graffs, graffiti, calligraphie, peinture, gravure, photographie, installation, etching.